Nous avons traversé...

Qu’est ce que le dépassement de soi ?

Il y a de maintes définitions pour ce mot aux allures techniques. Mais je crois que cette définition est propre à chacun selon les expériences de vie. Pour moi, ce mot signifie se surprendre soi-même, par notre conviction, par notre force mentale à réaliser quelque chose, à surmonter nos limites.

Et je crois pouvoir affirmer que cette traversée a été pour moi un beau et grand défi à relever…

Nous avons levé l’ancre de la baie de ‘’Middle River’’ à Fort Lauderdale à 2h30 dimanche matin. Notre sommeil a été quelque peu écourté dû à la parade de Noël de bateau sur l’Intracostal de la veille. Une population de plaisanciers fêtant Noël sur l’eau et désirant être au premier rang, tous et chacun au même endroit. Laissez-moi vous dire qu’il n’y a pas juste du monde brillant sur l’eau… (Un beau merci à Going Knots de nous avons reçu sur leur voilier aux premières loges malgré la frénésie des bateaux ancrés sur eux…..euh… autour d’eux !).

Et c’est ainsi qu’avec Going Knots, Rêve d’Océan et le voilier Allure que nous sommes partis vers l’océan.

Le ciel était clair, rempli d’étoiles et la lune pour nous guider. Il annonçait 12 à 17 nœuds de vents Sud-Est et des vagues annoncées de 2 à 3 pieds avec quelques unes de 5 pieds aux 4 secondes. Une phrase bien technique pour les marins, mais dès plus importante. Elle signifie que nous pouvions nous faire brasser puisque les vagues étaient assez fortes mais qu’avec la force du vent nous avancerions bien. Il fallait aussi tenir compte de la force du Gulf Stream qui nous déporte jusqu’à une puissance de 3 nœuds vers le nord et que nous devons combattre.

Après quelques minutes de la sortie de l’inlet de Fort Lauderdale, nous nous sommes rendus compte que la puissance du vent serait trop forte pour notre génois. Mon capitaine a donc décidé de préparer le foc pour faire cette traversée. Ce qui a été son coup de mort pour le mal de mer…

Nous rentions dans les vagues à bonne vitesse et mon capitaine se faisait brasser, asperger d’eau, essayant tant bien que mal d’installer cette foutue voile. Et s’est à se moment que le mot dépassement de soi m’est apparu à l’esprit. Je savais que l’heure que mon capitaine venait de passer à l’avant du bateau venait de dicter l’état du reste de notre traversée…

Je serais seule…je devenais alors le capitaine de notre bateau…je passais du titre de moussaillon à celle qui prend les décisions et qui les exécute.

Je suis donc allé à l’avant du bateau arranger les écoutes du foc (toujours attaché à la ligne de vie bien sûr), je suis revenue et j’ai pris soin de mon amoureux qui ne se pouvait plus d’être malade...

Pendant cette péripétie, j’avais perdu tous contacts visuels avec mes compagnons de route…et puisqu’il restait encore plusieurs heures de noirceur…ils étaient inquiets de me savoir loin d’eux…

Et c’est au petit matin que nous nous sommes rendu compte que je n’étais pas si loin d’eux…la petite tortue les avait rattrapés…

Le lever du soleil à 7h dimanche matin sur l'océan.

Fatiguée la co-capitaine..

Quand l’adrénaline tombe, le plus difficile est de surmonter la fatigue, celle physique, celle mentale et celle du sommeil…j’avais forcé pour ajuster les voiles et dieu sait qu’elles sont lourdes, j’avais donné toute l’énergie que je pouvais donner dans cette traversée…

Puis dans le début de l’après-midi nous avons vu de petites bouées balisées nous annonçant l’entrée de Bimini Islands dans les Bahamas et l’eau turquoise en dégradé…de toute beauté !

Il ne restait qu’à entrer au quai à piliers de la marina afin d’aller se dédouaner et payer pour entrer dans les Bahamas…

Chose facile à dire mais pas évidente à réaliser…c’est avec quelques essais que nous avons réussi à entrer dans notre trou.

Il ne restait plus qu’a fixé les amarres pour s’attacher au quai. C’est alors que Mathieu m’a demandé de remonter sur le bateau pour l’aider…le bateau étant trop loin pour ma grandeur de jambes, je le savais très bien. Mais voulant bien faire j’ai mis les pieds sur le bateau quand même, et c’est seulement mes bras qui me retenait au quai. Je suis donc rester en équilibre entre le quai et le bateau quelques secondes le temps de crier à l’aide…je n’avais plus aucune miette de force dans le corps et je suis tombé entre le quai et le bateau…

Dans cette eau cristalline où je sais qu’il y a des requins.  Le voilier Léane qui était déjà passé par ici et qui s’est fait avertir de ne pas se baigner par prudence puisque les pêcheurs jettent la carcasse des poissons dans ces eaux. Je peux vous dire que j’ai nagé jusqu’à l’échelle de notre voilier comme si ma vie en dépendait…brûlée, exténuée !

Un autre morceau de puzzle à ajouter à notre expérience de marins…

Malgré la traversée qui a été difficile, je peux dire que je suis fière de ce que j’ai accomplie et que le meilleur est à venir…

Enfin, nous sommes rendus aux Bahamas !

Ce matin à Bimini Islands

Caroline